"'Vaffanculo alla maggioranza' : quand Roberto Benigni fait voler en éclats la normalité monstrueuse (Il Mostro, 1994)"

International audienceEn 1994, Roberto Benigni réalise la comédie de quiproquos Le Monstre (Il Mostro) dont le protagoniste, le marginal Loris, est victime d'une erreur judiciaire aussi monstrueuse que l'assassin en série avec qui le confondent les autorités italiennes tout au long du récit filmique. A l'image des films antérieurs du cinéaste, ce cinquième long-métrage se polarise autour de la figure burlesque du bouffon, incarnation d'une écriture de l'outrance que Benigni met au service d'une peinture corrosive de l'Italie des années 1990 et de ses dysfonctionnements. Il s'agira précisément d'examiner les mécanismes de cette rhétorique de l'outrance, fondée sur une remise en question constante de la dialectique normalité/monstruosité. Les débordements du personnage benignien l'inscrivent en marge d'une communauté contre laquelle il lutte vainement, opposant la résistance du corps burlesque aux normes sociales répressives dont les dépositaires s'acharnent à le confiner dans le territoire du monstrueux. Sa situation littéralement ex-centrique en fait une figure du débordement qui n'hésite pas à transgresser le pacte fondateur du corps social. De fait, la société italienne se situe au centre de la satire brossée par Benigni dans un film où stratégies carnavalesques et ressorts burlesques se conjuguent pour dénoncer les aberrations de l'ordre établi et le monstrueux pouvoir de manipulation de ses représentants